Alors que Metal Gear Solid V : Ground Zeroes sort officiellement demain, et après vous avoir livré notre verdict en début de semaine sur les versions PS4 et Xbox One... nous nous sommes enfin procuré les versions PS3 et Xbox 360... Alors, sont-elles vraiment inférieures ? Clairement non.
Ce test PS3/Xbox 360 est une mise à jour du test PS4/Xbox One publié le 18 mars 2014.
Ceux qui s'attendaient à un fossé technologique séparant les versions PS3/Xbox 360 et PS4/Xbox One en auront pour leurs frais. Depuis le début, le Fox Engine a été conçu pour être cross-plateform, et il le démontre ici admirablement.
Evidemment la résolution est sensiblement inférieure (720p upscallé), générant un rendu moins bien défini que sur New Gen. Rien de choquant cependant, surtout quand on n'a pas de comparaison immédiate. Le seul élément clairement inférieur reste la stabilité de l'affichage avec un frame rate à 30 images/secondes accusant quelques hoquets par moments.
Pour le reste, l'expérience est similaire en terme de contenus ou d'intensité, et dure toujours bien plus que 2 heures pour ceux qui se donneront la peine de ne pas se contenter d'un seul run dans la seule mission principale. Pour ceux qui auront envie de jouer tout simplement... plutôt que de se prendre pour des apprentis speed runners en quête de hardcore gaming street cred.
C'est aussi l'occasion de se rendre compte de l'amélioration générale du confort des manettes de la nouvelle génération. Des détails qui font forcément basculer du côté de la PS4/Xbox One si le choix est possible pour vous... mais qui ne rendra en rien dérangeant de rester, encore un temps, sur l'ancienne génération de machines.
On sent d'ailleurs bien que pour lâcher le plein potentiel du Fox Engine, il faudra que les équipes puissent se concentrer sur New Gen. Dès Phantom Pain ?
Impossible de débuter sans revenir un instant sur cette polémique, cette gronde. A mon sens, deux conceptions du jeu vidéo s'entrechoquent ici. Celle considérant le jeu vidéo comme un produit, l'autre préférant se concentrer sur l'expérience, sur la trace laissée par un jeu. Vous le savez, à mes yeux, quand il s'agit de parler des meilleures réalisations, le jeu vidéo n'est justement pas un produit. Sa critique ne peut donc être réalisée avec une grille technique, comme cela se pratique pour une voiture ou un smartphone. Depuis quand le but d'un jeu est de faire la course pour savoir en combien de temps il se finit ? Surtout pour un jeu d'infiltration, genre par excellence où il est toujours intéressant d'effectuer plusieurs runs, d'essayer d'autres approches. Et pourquoi vouloir à tout prix réduire Ground Zeroes exclusivement à sa mission principale ? Il y a 5 autres missions... certaines courtes et anecdotiques, d'autres bien plus consistantes et mémorables.
Metal Gear Solid 5... heures ?
Portal, Brothers, Gone Home, The Stanley Parable, Journey... autant d'expériences uniques qu'il aurait été ridicule de juger à l'aune de leurs fameuses "durée de vie". Viendrait-il à l'idée de juger un tableau de maître en fonction du nombre de tubes de peintures utilisés ? Un film à la quantité de bobines tournées ? Les grands jeux se finissant en moins d'une heure en speed run deviennent-ils soudainement des arnaques ? S'il est effectivement intéressant de se poser la question de la pertinence du nouveau modèle économique employé ici par Konami (lire notre chronique : MGS 5, le modèle de demain ?), si effectivement à titre personnel je suis persuadé que cette pratique pourrait entraîner certaines déviances... non, je ne juge pas que cela soit le cas ici.
Si pour vous, "l'affaire de la durée de vie" est l'alpha et l'omega de votre décision, eh bien ne l'achetez pas et attendez encore un an pour Phantom Pain. C'est votre choix, il vous appartient. Sachez juste que vous passerez alors à côté de l'une des meilleures expériences visuelles et de gameplay de ce début 2014. Un prologue certes, mais qu'on prend plaisir à retourner dans tous les sens avec pléthore de sous-missions, d'objectifs annexes voire cachés... certains défis se révélant des plus costauds. Un titre qui vous ramène justement aux bases du jeu vidéo avec son gameplay raffiné et ses nombreuses manières d'appréhender chaque situation. Un jeu qui se joue, qui s'expérimente. Un jeu qui ne vous montre pas tout dès le début. A l'ancienne en somme.
Pour conclure sur ce chapitre, la durée de vie, parlons-en une dernière fois. Personnellement, j'aurai passé plus 6 heures dans ce prologue, et je n'ai pourtant pas encore relevé tous les défis. Alors certes, ce qui me manque reste anecdotique (des Time Attack & co.), mais avec plus de 6 heures de jeu, combien de "simples démos" (puisque c'est le terme que beaucoup aiment employer concernant Ground Zeroes) vous ont tenu en haleine aussi longtemps ? Je n'en connais pas.
Amis joueurs : oui, la mission principale peut être finie rapidement. Dire l'inverse serait un mensonge. Mais ne vous y trompez pas, ne mélangeons pas l'important et l'essentiel. N'oublions pas que ce qui laisse une trace, ce qui fait qu'on aime le jeu vidéo, reste avant tout la qualité de l'expérience. Allez, on parle de jeu maintenant ?
Kept you waiting, huh ?
Il y a quelques jours, lors de mes premières impressions, je vous décrivais en détails tout ce qui avait pu changer dans la formule Metal Gear. Et il y avait de quoi dire. Pour éviter les redites, je vous inviterai ainsi à vous y référer (lire : tout ce qu'il faut savoir sur Metal Gear Solid 5 : Ground Zeroes).
Dans cette critique aujourd'hui, j'ai donc plus envie de me pencher sur mon ressenti. Sur ce qui fait que oui, j'ai vécu une succession de moments uniques.
La mise en scène tout d'abord. Désormais intégralement réalisées en audacieux plans séquences, les deux cinématiques principales de cet épisode Ground Zeroes impressionnent. Finie la multiplication des plans champ/contrechamp. Toujours en mouvement, la caméra à l'épaule vous plonge ici au coeur de l'action, au coeur du camp Omega. Le rendu général se veut plus viscéral (dans tous les sens du terme), plus brut, plus documentaire. Une mise en scène servant judicieusement le propos.
La prise en main ensuite. Une sorte de révélation pour la série. Nous avions quitté Snake engoncé dans ses poncifs, un héros charismatique mais, avouons-le, de plus en plus rigide. Nous le retrouvons ici débarrassé de ses certitudes, ayant enfin osé s'inspirer de ce qui se fait en occident pour moderniser son maniement, mais sans perdre son ADN et son identité. Big Boss dispose ainsi d'une palette de mouvements étoffée, dont le sprint reste l'un des symboles capitaux en apportant une nervosité inédite à l'ensemble. La possibilité d'avancer fusil à l'épaule, de marquer ses cibles ou encore d'effectuer des tentatives de récupération en bullet-time sont autant de signaux d'un gameplay s'ouvrant enfin à ce qui se fait de mieux aujourd'hui. Ajoutez à cela les prémices de monde-ouvert, sans oublier la folie "kojimesque", qui offre quelques trouvailles de son cru, et vous obtiendrez la formule Metal Gear magnifiée.
Autre élément notable, la richesse avec laquelle vous pouvez aborder les situations reste un indéniable point fort. Même si le camp Omega aurait pu être plus vaste, son level design a été finement pensé pour offrir autant de cachettes et de routes que de possibilités. Après quelques runs, vous aurez la map bien en tête et pourrez alors expérimenter... à l'image de ce qui avait tant fasciné les joueurs dans Metal Gear Solid 2.
Ce prologue a fait aussi remonter en moi mes meilleurs souvenirs d'infiltration. En franchise, cela faisait si longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à jouer au chat et à la souris. A échafauder des stratégies, à camper dans l'ombre avant de fondre sur ma proie, à écouter les communications des gardes, à retenir mon souffle, à essayer de récupérer des indices de-ci, de-là... La souplesse inédite de la prise en main contribue évidemment au plaisir éprouvé.
Nouvelle génération
Sans surenchère dans la finesse des textures, sans avalanche de polygones, mais avec cette patte si caractéristique des productions Kojima, Ground Zeroes créé une atmosphère unique. En ce début 2014, il s'agit sans conteste de l'une des réalisations générales les plus abouties à ce jour. La qualité des éclairages, la sensation d'humidité, la cohérence visuelle... le tout allié à la propreté du rendu 1080p à 60 images/seconde stables sur PS4 contribuent à rendre l'expérience hautement immersive. C'est simple, vous êtes dans le camp Omega.
Quant à la version Xbox One, même si la résolution en 720p propose forcément un rendu un soupçon moins fin que chez sa concurrente, rien de choquant. Après, si vous avez le choix, la version PS4 est techniquement la meilleure, mais ne comptez pas sur moi pour rentrer dans le vain débat des 739,5p VS 1043p. Les deux versions restent très bonnes, quel que soit leur nombre de "p".
Pour le reste, bien sûr, il est encore possible de prendre à défaut l'IA sur certains points. Il m'est ainsi arrivé de voir des rondes étonnantes, voire de me réjouir de ne pas avoir été vu... alors qu'un garde un peu benêt passait un peu trop près, sans me détecter. C'est un fait. Mais dans l'écrasante majorité des cas, j'ai surtout constaté que les escouades s'organisaient diaboliquement bien pour me contourner et m'acculer, dos au mur. A ce titre, en mode de difficulté supérieure, l'infiltration se doit d'être menée avec le plus grand calme, en gagnant mètre par mètre et, désormais en l'absence de radar, en se montrant particulièrement attentif à son environnement... et ce à 360°. Car le danger peut surgir de partout. Avec son départ vers le monde ouvert, Metal Gear Solid V rompt avec l'aspect couloir (plus ou moins bien maquillé) des précédents opus. Et ce que l'on gagne en liberté, on en subit le contre-coup en dangers potentiels. Tant mieux, il s'agit là véritablement d'infiltration !
Madeleine de Proust numérique
Difficile de conclure sans une mention spéciale pour la Mission Annexe "Déjà Vu", exclusive aux consoles Sony (PS4 et PS3). A elle seule le symbole de ce prologue. Oui, il s'agit d'une démonstration ahurissante de fan service bien exécuté. Une véritable Madeleine de Proust next-gen. Déjà, vous allez devoir lutter pour la débloquer (et plus que 2 heures, sauf si vous suivez nos astuces sur le sujet), ensuite tout y est : les références, les frissons... et les surprises ! Je ne vous révélerai rien évidemment, mais sachez que les fans auront non pas un, ni deux, mais moult frissons d'émotions numériques. Joli, vraiment.
Globalement, et pas uniquement dans cette mission, le soin apporté à ajouter des clins d'oeil, des petites trouvailles faisant le sel des Metal Gear depuis maintenant des décennies, marque le grand retour d'un mix entre sérieux des missions et délires "kojimesques". Le créateur s'est ainsi amusé à glisser des détails qu'on ne retrouve définitivement pas dans les autres jeux. Contrairement à un MGS4 qu'on sentait sérieux, voire dont on rechantait parfois la lourdeur du développement, ce MGS5 : Ground Zeroes n'oublie pas de s'amuser avec nous. Les aficionados apprécieront.
Forcément, à côté de cette exaltation des souvenirs admirablement bien amenés, la mission "Jamais Vu" des consoles Microsoft (Xbox 360, Xbox One) mettant en scène Raiden se révèle quant à elle moins marquante. Beaucoup plus orientée action aussi.
Une fois de plus, ceux qui se contenteront d'un rush dans la mission principale n'auront pas compris que Ground Zeroes est un tout. Un ensemble finalement bien plus généreux qu'il n'y paraît de prime à bord (tous les éléments/otages récupérés ici seront sauvegardés pour Phantom Pain), et qui se dévoile au fur et à mesure. Evidemment, dans ce genre d'exercice, les fans seront les mieux lotis tant les références abondent. Certaines à destination des amateurs les plus pointus. Mais reste un jeu propre et étonnant, certes court, mais piquant et fascinant comme un diamant. De sang.